Recul du trait de côte

Les littoraux sont des milieux en constante évolution (érosion/accrétion), ce sont des espaces dynamiques.

C’est pourquoi, les concernant, il est préférable d’utiliser la notion d’équilibre plutôt que de stabilité.

L’érosion côtière consiste en un déséquilibre qui se traduit par un recul de la position du trait de côte (limite terre/mer) suite à la perte de matériel rocheux pour une falaise ou sédimentaire (sable, vase) pour une plage ou une mangrove.

L’érosion est tout d’abord un phénomène naturel qui résulte de plusieurs facteurs :

  • Les vagues, les courants, la marée et le vent modèlent la côte, creusent le pied des falaises, transportent du sable des plages et de la vase présente dans les mangroves.
  • La morphologie de la côte (plus une baie est profonde et plus elle est abritée), la nature des roches (fragiles ou pas) et l’apport potentiel des sédiments par les rivières (enrichissement des plages).
  • La pluie joue un rôle dans les processus d’érosion, elle agit sur le régime des rivières (qui peuvent éroder ou apporter des sédiments) et le développement de la végétation (stabilisation).
  • Les organismes vivants tels que les coraux ou la végétation littorale (la mangrove mais aussi la végétation des falaises et des hauts de plages) jouent un rôle de protection contre la mer, de stabilisation des terres mais aussi d’alimentation en matériaux sédimentaires (sables coralliens).

Facteurs naturels régissant l'évolution du littoral mahorais. ©BRGM

Facteurs naturels régissant l’évolution du littoral mahorais. ©BRGM

 

Outre ces différents éléments naturels, l’intervention de l’Homme joue un rôle essentiel dans l’évolution du littoral. L’implantation d’aménagement en front de mer ou des modifications du couvert végétal perturbent la dynamique côtière et contribuent souvent à aggraver les phénomènes d’érosion.

 

Plage des Badamiers ©F.Brossard

Plage des Badamiers ©F.Brossard

Blocage du transit sédimentaire (différence du niveau de sable) suite à la présence d'un ouvrage

 

Facteurs naturels et antrhopiques régissant l’évolution du littoral mahorais.©F.Larrey

 

L’ÉROSION DES FALAISES

Plusieurs types de falaises peuvent être observés à Mayotte. 

Leur taille est très variable, de plusieurs dizaines de mètres à moins d’un mètre (on parle alors de « microfalaise »). Elles peuvent être constituées de roches dures (par exemple le Rassi Douamounyo) ou de matériaux plus fragiles tels que des cendres (Moya) ou du « sol » (Baie de Soulou). Leur forme générale est variable selon la pente (douce à verticale) et la répartition de la végétation. Elles sont généralement prolongées à la base par une plateforme rocheuse sur laquelle peuvent se trouver des galets ou des blocs.

La plupart des falaises composées de roches dures et résistantes présentent des vitesses de recul très lentes et imperceptibles à l’échelle d’une vie humaine. 

Falaise roche dure (Moya, Petite-Terre) ©DEAL976     Baie de Soulou ©F.Brossard

Falaise roche dure à Moya ©F.Larrey et micro-falaise meuble de la baie de Soulou ©F.Brossard

 

En revanche certaines falaises constituées de roches meubles et fragiles peuvent présenter des vitesses de recul très importantes. Ces falaises à recul rapide sont reconnaissables par leur pente raide, l’absence de végétation et souvent la présence de débris et/ou de « creux » au pied du versant.

Dans la baie de Soulou, la microfalaise affiche un recul record de plus de 100 m depuis 50 ans soit une érosion annuelle supérieure à 2 m/an. 

À Pamandzi, la falaise de cendre qui jouxte la piste de l’aéroport enregistre un recul de 15 à 20 m en 50 ans soit 30 à 40 cm par an. Compte tenu des aménagements qui se trouvent en amont (aéroport, station de dessalement, lotissement en projet), ce recul doit être pris au sérieux.

Si le recul de la falaise de Pamandzi s’avère avant tout naturel, celui de Soulou serait en revanche à mettre sur le compte des actions humaines qui, en défrichant la mangrove qui se trouvait historiquement au fond de la baie, ont privé de protection et exposé directement à la mer une portion de côte extrêmement fragile.


L’érosion des plages

Les plages mahoraises sont dans l’ensemble relativement petites (quelques centaines de mètres maximums), la majorité étant recouvertes par la mer à marée haute. Elles sont le résultat des accumulations de sables entre les « rassis » (pointes rocheuses en shimaoré) et sont souvent prolongées en mer par un récif corallien.


La couleur du sable varie en fonction de son origine :

  • Sable « noir » quand il provient des roches volcaniques (basaltes) : Trévani.
  • Sable « blond à blanc » lorsqu’il est composé de débris de coquilles et de coraux : N’gouja.
  • Sable « ocre à marron » lorsqu’il vient des ravines et du sol (altérites) : Musical plage.

  Plages de Mayotte, sable noir, blanc, ocre... ©DEAL976  

Plages de Mayotte, sable noir, blanc, ocre... ©F.Larrey


Au contact de la mer, une dalle rocheuse appelée grès de plage ou beach rock peut parfois se former en « cimentant » naturellement le sable et les débris qui s’y trouvent.
 

Beach-rock, vasière des Badamiers ©Conservatoire du littoral

Beach-rock, vasière des Badamiers ©Conservatoire du littoral


Les plages ont un intérêt social et économique fort, mais jouent également un rôle important dans la protection des villages contre les submersions marines pendant les cyclones et les tempêtes. En effet, elles absorbent une grande partie de l’énergie des vagues qui est dissipée le long de leur versant subaquatique.
Pendant les périodes de très fortes houles, on assiste fréquemment à une érosion du haut de plage du fait d’un transfert de sédiment vers le bas de plage et vers le large. Au contraire, pendant les temps calme, les vagues plus petites et de moins fortes énergie, ont tendance à ramener le sable vers le haut de plage, il s'agit de l'accrétion. Le volume de sable reste relativement constant, le sédiment étant transféré alternativement du haut de plage au bas de plage et inversement.

Variation saisonnière du profil de plage (Paskoff, 1998)

Variation saisonnière du profil de plage (Paskoff, 1998)

Il y a érosion et recul du trait de côte dès lors que le sédiment est perdu pour la plage et le stock sédimentaire n'est alors plus suffisant pour que celle-ci puisse s'adapter après la période d'érosion.

Le sable en haut de plage est donc très important puisqu’il joue le rôle de réserve et de tampon protecteur lors des événements de tempêtes. En outre, le haut et l’arrière de la plage sont naturellement recouverts de végétation qui retient une partie du sable et assure une bonne conservation des stocks sédimentaires.
 

Morphologie d'une plage mahoraise. ©BRGM

Morphologie d’une plage mahoraise. ©BRGM

 

Musical plage (Bandrélé) ©F.Brossard

Musical plage (Bandrélé) ©F.Brossard

Piétinement de la végétation de haut de plage (Patate à Durand, Ipomoea pes-caprae)


A Mayotte, la plupart des plages connaissent très peu d’évolution compte tenu de la protection importante donnée par le récif barrière et le lagon. Les conditions de mer sont donc généralement peu agressives et l’érosion des plages est essentiellement liée à l’impact d’événements exceptionnels type cyclone et à l’action de l’homme.
En effet, jusqu’en 1982 (date d’un arrêté préfectoral interdisant cette pratique), le sable était directement prélevé sur la plage pour servir de matériau de construction.

Certaines plages ont ensuite subi les effets liés à leur aménagement.

Le meilleur exemple est Sada où la plage a été remplacée au profit de l’urbanisation : là où il y avait du sable auparavant, s’étend aujourd’hui au Sud de la plage un enrochement protégeant une promenade de front de mer. Plus au Nord le trait de côte a reculé de 22 m en 50 ans, en raison du déboisement de l’arrière de la plage pour y installer les habitations, et du fort piétinement de la végétation de haut de plage. Cette dernière étant absente, le sable n’est plus retenu et peut donc être transporté au moment d’une tempête.
Le recul du trait de côte peut conduire à etre contraint de délocaliser les enjeux (habitations, équipements) qui se trouvent en bord de mer.

 

Plage partie sud du centre-ville de Sada ©F.Brossard

Plage partie sud du centre-ville de Sada ©F.Brossard

Plage partie nord du centre-ville de Sada ©F.Brossard

Plage partie nord du centre-ville de Sada ©F.Brossard

L’érosion des plages se caractérise souvent par:

  • la mise à nu racinaire ou l’arrachage de la végétation littorale;
  • la création de talus d’érosion;
  • la mise à nu et/ou le démantèlement de dalles de beach rock (ou grès de plage);
  • la déstructuration partielle ou totale (affouillement, déchaussement, basculement, ruine, etc.) d’ouvrages côtiers (murs, clôtures, ouvrages de défense).

Plage de Mtsanga Gouéla (Bouéni) ©F.Brossard

Plage de Mtsanga Gouéla (Bouéni) ©F.Brossard

Mise à nu racinaire et déstructuration partielle d'ouvrage

 

Le recul des mangroves

On ne peut pas parler d’érosion à proprement dit pour les mangroves car se sont des formations végétales, mais la réduction de la superficie de certaines constitue néanmoins un phénomène inquiétant qui nécessite d’être abordé.

Les mangroves sont des formations végétales qui nécessitent des conditions de croissance très contraignantes (fond vaseux et sédiments en suspension, niveau de la mer, situation à l’abri des vagues…). La moindre modification de ces conditions peut entraîner un déplacement ou une réduction de la superficie des palétuviers.
Si toutes les mangroves de Mayotte ne sont pas en situation de recul, certaines connaissent en revanche une réduction de leur superficie parfois très importante.

A Dapani, la mangrove a connu un recul record en passant de 20,4 ha à 8,5 ha en un demi-siècle. L’origine de ce recul pourrait être indirectement liée à l’homme : l’ensablement de la baie qui serait responsable de la mortalité des palétuviers est à mettre en relation avec les pratiques agricoles en amont de la côte qui favorisent l’érosion des sols et l’apport de sédiment sableux par la ravine de M’roni Bé.

Le recul de certaines mangroves est, en outre, directement lié à l’Homme quand il s’agit de déboisement pour des besoins d’aménagement. Entre autres exemples, la mangrove de Mtsapéré a été défrichée et remblayée sur 200 m afin de construire la déviation routière. A Longoni, le développement du port de commerce passe également par un défrichement de la mangrove située à proximité de la pointe. De 1950 à 2011 on constate que la superficie des mangroves a diminuées d’environ de 41 ha.



Sources :

  • Gestion de l’érosion côtière du littoral de Mayotte - BRGM, 2008
  • Les mangroves à Mayotte, Etat des lieux et enjeux de gestion. Rapport bibliographique - ONF, 2016
  • Caractérisation et cartographie de l’aléa recul du trait de côte pour l’élaboration du Plan de Prévention des Risques Littoraux de Mayotte
  • Rapport Final - BRGM, Décembre 2017
  • Jeanson, Matthieu, et al. "Mangrove evolution in Mayotte island, Indian Ocean: a 60-year synopsis based on aerial photographs." Wetlands 34.3 (2014): 459-468.